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Ego mezzo, ego forte : variations sur un même thème
6 mars 2006

Bien parlant

retour___la_raison
Man Ray, Retour à la raison

"Chaque jour, autour de nous, le langage perd un peu plus de son volume et la pensée sa respiration ; les détours respirés, les chemins de traverse, les courbes sont interdites : tout va vers le linéaire, la phrase à sept, cinq, trois mots, le slogan ; tout va vers une langue plate, uniforme, répétitive, incapable de restituer le drame de la pensée, de développer ses volutes contradictoires. Par l'expansion universelle d'une pensée binaire, d'un rythme à deux temps, le manichéisme se répand et gagne tout. Comme si notre pensée aujourd'hui - et le langage humain - avait le souffle coupé ; comme si respirer, aller au bout de la phrase, traverser la noyade, renverser les mots, retourner les sens, brûler le langage par notre corps et s'y perdre, nous était interdit. Tout doit être de surface, suréclairé, sans ombre aucune, sans volume, présenté sous son meilleur jour et toujours à vendre : avec étiquette, mode d'emploi, prix et résumé du contenu..."
Valère Novarina, Lumières du corps, P.O.L., 2006

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Commentaires
L
Sacré défi aujourd'hui ! L'humain ne serait donc pas "de surface, suréclairé, sans ombre aucune, sans volume, présenté sous son meilleur jour et toujours à vendre : avec étiquette, mode d'emploi, prix et résumé du contenu..." ? <br /> Eteignons les télés et radios, ne lisons plus ni socio ni psycho, et ne sortons plus de chez nous... peut-être alors aurons-nous une chance d'y croire...<br /> Nous ne faisons que nous vendre.
O
La "littérature" n'héberge que ce qu'on veut bien lui imputer, langage plat ou bombé ! Effectivement, je ne crois pas que le but premier des romanciers et des poètes ait été l'action. Je pense aussi que la plupart d'entre eux n'étaient ou ne sont pas heureux : comme la plupart des hommes...? Le langage est un acte en son existence même. La dramaturgie de Novarina est fondée sur un langage substance, qui certes peut tromper et détruire, mais qui indéniablement fait exister. Et si son "drame de la pensée" est si mal formulé, il n'en demeure pas moins l'expression de sa volonté : ne pas réduire l'humain à son expression la plus simple, et la plus outrageante, c'est à dire le vide vertical et volontaire.
L
Interpellation. Réaction. <br /> <br /> Ok, on nous martèle de slogans, ces phrases qui choquent et restent : "zéro tracas, zéro blabla : M.M.A." Plat, efficace, vendeur.<br /> Mais ils ont tout compris : pas de blabla car nous n'en pouvons plus des longs discours, des débats qui n'aboutissent pas, des jolies phrases contradictoires qui ne mènent nulle part. Encore une fois, c'est l'action qui manque. A quoi mène "le drame de la pensée" ? A quoi sert la pensée si ce n'est à une application concrète, réelle, utile ? Etaient-ils au moins heureux ces philosophes, poètes, romanciers et dramaturges capables de faire vivre les phrases et les idées ? Certes pas.<br /> <br /> L'éternelle question : à quoi ça sert ? Car il faut bien que cela serve à quelque chose, non ?<br /> <br /> La littérature, dernier refuge d'un langage qui se trahit en s'appauvrissant ? Ou la belle exception d'un destin utilitariste : le langage comme outil, medium d'un agir ?
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