Coutures

Peu de messages et pourtant beaucoup de ressentis : l'ego se perd dans des récriminations stériles. Il lève le poing. Il se débat. Se battre ? Faut-il lever la main pour prendre la parole ? L'école n'est pas loin, le système prédomine encore. Faut-il vraiment lever le poing pour être entendu ? Prostration - on m'a déconstruite. Je rassemble avec ardeur. Ne ressemble que vaguement à ce que j'étais. Je récupère mes morceaux. Re-collage : c'est laid mais ça tient. Quel motif invoquer ? Celui qui se dessinera sur la surface nouvelle - celui qui me pousse à reconstruire ? Un motif incohérent. Je ne peux qu'en découdre encore. Les pièces s'éloignent trop les une des autres. Il faut veiller à ce que chacune garde son énergie propre. Ont-elles ce qu'il leur faut pour s'auto-vivre ? Elles existent mais n'ont plus le droit de parole. Ma bouche est si petite. Ne la voyez-vous pas ? Ne m'entendez-vous plus ? Et pourtant je crie. Mes morceaux aussi. Le seul unisson. Ma seule structure : le son. Mon poing prend la parole. Il est temps pour moi d'être une victime. Je veux moi aussi gagner le confort du paradis insouciant. Le mimétisme gagne du terrain : les modèles qui m'entourent sont parfois cruels. La force me manque. Je suis les pointillés. Je me dessinerai selon leur patron.

Annette Messager